La Montée du Seconde Main : Vers une Révolution de l'Édition et de la Consommation du Livre

Depuis toujours, il est courant de revendre des objets dont on n'a plus l'usage, et les livres ne font pas exception. Aujourd'hui, des plateformes spécialisées facilitent la revente de livres une fois lus, modifiant ainsi la perception du prix du livre pour le lecteur. Le coût initial fixé par l'éditeur est désormais considéré en tenant compte du potentiel de revente, diminué de la commission prélevée par la plateforme.

Un modèle économique en mutation

Par exemple, un livre acheté neuf à 19,99 € peut être revendu à 15,99 €, sur lesquels une commission de 20 % (soit 3,20 €) est appliquée par la plateforme. Ainsi, le premier acheteur récupère 12,79 €, ce qui ramène le coût net du livre à environ 7,20 €. Ce montant est comparable au prix d'une édition numérique, offrant au lecteur la possibilité de conserver le livre pendant une période variable avant de le revendre.

Avantages écologiques et économiques

D'un point de vue écologique, ce système prolonge la durée de vie des livres, réduisant ainsi le besoin de nouvelles impressions et l'empreinte carbone associée. Pour les lecteurs, cela représente une économie substantielle, surtout pour des ouvrages en excellent état. De plus, le livre peut circuler entre plusieurs lecteurs, maximisant son utilisation.

Conséquences pour les acteurs traditionnels de l'édition

Cependant, cette pratique engendre un manque à gagner pour les auteurs, éditeurs, diffuseurs et distributeurs de livres neufs, car une seule copie peut être lue par plusieurs personnes sans générer de ventes supplémentaires. Pour contrer cette tendance, la réédition en format poche propose des livres neufs à des prix plus attractifs, mais cette stratégie comporte des risques, notamment une possible cannibalisation des ventes des éditions standard.

Réflexions sur la valeur du livre

Cette évolution soulève des questions sur la valeur du livre : réside-t-elle dans le contenu, l'objet physique ou l'expérience de lecture ? Lors de l'émergence du numérique, beaucoup craignaient une révolution majeure, mais les ventes de livres numériques restent modestes. En 2023, elles représentaient environ 6,6 % du marché total du livre en France, avec un chiffre d'affaires de 283 millions d'euros.

Vers un modèle centré sur l'usage

Le marché de l'occasion redonne de la valeur à l'usage plutôt qu'au produit lui-même. Une piste pourrait être d'intégrer dans le prix initial du livre une valeur tenant compte de sa possible revente, similaire à une licence logicielle utilisable sur plusieurs appareils. Toutefois, taxer le marché de l'occasion pour compenser le manque à gagner des acteurs traditionnels irait à l'encontre des tendances actuelles favorisant la durabilité et la réduction de l'impact environnemental.

En conclusion, le modèle traditionnel de l'édition est remis en question par la montée du marché de l'occasion. Plutôt que de chercher à freiner cette évolution, il serait judicieux pour les acteurs du secteur d'explorer de nouvelles approches valorisant à la fois le contenu et l'expérience de lecture, tout en s'adaptant aux préoccupations écologiques et économiques des consommateurs contemporains.